MAL DE DOS et PROTHESE DE DISQUE
Le mal de dos ou lombalgie représente un des fléaux de ces dernières décennies.
En effet, deux Belges sur trois vont présenter une fois dans leur vie un épisode de lombalgie et ce symptôme représente 5 % des consultations annuelles chez les médecins généralistes en Belgique.
Parmi les nombreuses causes de lombalgies (inflammatoires, viscérales, infectieuses, tumorales, traumatiques), la lombalgie commune dite mécanique est de loin la plus fréquente et est due à l'altération des composants disco-vertébraux de la colonne lombaire.
Depuis maintenant plus de 10 ans, nous savons que c'est l'usure progressive du disque intervertébrale, le joint articulaire souple entre deux vertèbres, qui va être à l'origine de pratiquement 85 % des lombalgies chroniques d'origine mécanique.
Le disque intervertébral est constitué d'un anneau fibreux au centre duquel se trouve un noyau pulpeux discrètement mobile et normalement fortement hydraté (90 % d'eau chez l'enfant et 70 % ou moins chez le sujet âgé), le volume de son contenu en eau variant en fonction de la pression qu'il subit. En charge il se déshydrate et son volume diminue. En décharge l'eau réintègre le disque.
La discopathie dégénérative (usure progressive du disque intervertébral) entraîne une déshydratation du disque qui va perdre ses propriétés mécaniques et va progressivement s'écraser et perdre sa hauteur.
Ce tableau peut évoluer jusqu'au stade radiologique de la discarthrose (pincement discal, production d'ostéophytes).
Le disque dégénératif douloureux peut être facilement comparé à un pneu poreux qui se dégonfle progressivement et qui s'aplatit.
Au décours de cette pathologie qui va évoluer dans plusieurs années, le patient peut parfois présenter des incidents de parcours caractérisés par la survenue d'une hernie discale qui va résulter de la sortie de matériel du nucléus au travers d'une fissure de l'annulus, et se manifestant cliniquement par une douleur intense irradiée dans le membre inférieure : la sciatique
D'autre part le lombalgique chronique va présenter une évolution cyclique où les phases douloureuses vont augmenter en intensité et en durée, pouvant aboutir à un mal de dos permanent et très invalidant.
Le patient va présenter des douleurs dans le bas du dos et de manière inconstante, des irradiations douloureuses atypiques dans les membres inférieurs s'accompagnant parfois de troubles de la sensibilité (dysesthésies, fourmillements, impression de crampes douloureuses dans les membres inférieurs). Ces différentes projections douloureuses portent le nom de pseudosciatalgies car elles peuvent parfois être confondues avec des douleurs de type sciatique (douleur intense dans un membre inférieur liée à l'écrasement d'une racine nerveuse au niveau de la colonne lombaire).
Les causes de la discopathie dégénérative ne sont pas encore clairement établies mais pourraient résulter soit d'une prédisposition génétique familiale soit d'un excès de contraintes mécaniques appliquées sur la colonne lombaire, notamment lors de ports répétés de charges s'accompagnant d'une flexion antérieure du tronc.
La répétition de mouvements vibratoires pourrait être également incriminée.
Le mode de vie semblerait également jouer un rôle important : surcharge pondérale, tabagisme, métiers ou sports qui exposent les vertèbres à des contraintes de pressions intenses.
La lombalgie chronique qui résulte de cette dégénérescence discale conduit parfois à une invalidation de longue durée car les traitements ne s'avèrent pas toujours efficaces. Elle a donc un impact socio-économique important et représente un réel problème de santé publique.
Traitements de la discopathie dégénérative
En cas d’insuffisance ou d'échec des traitements conservateurs bien suivis ( prise en charge par les médications anti-inflammatoires, antalgiques et myorelaxantes, traitements de rééducation et d'éducation vertébrale (kinésithérapie, école du dos, ostéopathie) ou la réalisation d'infiltrations vertébrales ou de contention de la colonne par divers corsets), le patient peut décider de recourir à un traitement chirurgical.
Le traitement classique consiste en la réalisation d'une arthrodèse vertébrale, technique qui consiste à souder les vertèbres entre elles pour éviter les mouvements douloureux mais son désavantage est un risque d'altération de la souplesse de la colonne vertébrale et une plus forte sollicitation des segments rachidiens adjacents aux vertèbres arthrodésées, ce qui pourrait entraîner une usure progressive des disques voisins.
Une alternative à l’arthrodèse existe, elle consiste à remplacer le disque usé et douloureux par une prothèse de disque dont le gros avantage est de garder la mobilité vertébrale et rendre à la colonne vertébrale sa souplesse naturelle, à l'instar de ce qui se fait pour d'autres articulations usées par l'arthrose et qui sont traitées par une prothèse articulaire (pour la hanche: prothèse totale de hanche, pour le genou: prothèse totale du genou),
Historique de la prothèse de disque lombaire
Après les premiers essais d'implantation de billes métalliques dans les noyaux des disques intervertébraux réalisés par Fernström en 1966, c'est une chirurgienne allemande, Karin Buttner-Janz, qui implanta la première prothèse de disque en 1984 à l'hôpital de la Charité à Berlin (Prothèse SB-Charité)
Par la suite, d'autres concepteurs (Thierry Marnay, Montpellier 1987) ont proposé la prothèse Prodisc.
Actuellement, nous disposons d'une multitude de modèles de prothèses discales qui tendent toutes à reproduire au mieux le mouvement intervertébral normal. Les prothèses discales sont habituellement composées de deux plateaux métalliques qui s'accrochent sur l'os des plateaux vertébraux. Le segment souple et mobile est constitué, soit d'un plastique de type polyéthylène, soit d'un corps visco-élastique intimement fixé aux plateaux prothétiques. Exemples: prothèse Prodisc, prothèse M6.
Mais malgré ces 30 ans d’existence, le concept de prothèse de disque est encore largement méconnu
Les avantages de la prothèse discale
- Elle va enlever le disque intervertébral, principale source des douleurs lombaires.
- Elle va permettre la restauration de l'anatomie et de la fonction vertébrale en gardant la mobilité de la colonne lombaire.
- Elle permet une récupération postopératoire très rapide.
Indications de la prothèse de disque:
La prothèse discale est indiquée chez les patients adultes souffrant du dos depuis plus de 6 mois et qui ne sont pas soulagés par les traitements conservateurs.
Elle peut être réalisée sur plusieurs niveaux lombaires et s'adresse à tous les stades de discopathie dégénérative s'accompagnant d'une diminution de hauteur discale jusqu'au stade de disque complètement écrasé.
Le syndrome post-discectomie (persistance de douleurs dans le dos ou dans les membres inférieurs après cure de hernie discale) constitue également une très bonne indication de mise en place d'une prothèse discale.
Il existe bien entendu certaines contre-indications; notamment sur le plan général, il faut que le patient garde une bonne qualité osseuse, l'ostéoporose est donc une contre-indication formelle.
Les patients présentant une surcharge pondérale ne pourront pas bénéficier de ce type d'intervention vu les difficultés techniques que l'on pourrait rencontrer. Ils devront suivre un régime pré-opératoire adéquat.
Certaines pathologiques contre-indiquent également la mise en place de prothèses discales, notamment l'existence d'un spondylolisthésis (décalage entre les vertèbres) ou la présence d'un canal lombaire étroit très évolué.
Technique chirurgicale
La mise en place d'une prothèse discale se réalise par voie d'abord antérieur, c'est-à-dire par le ventre.
Par une petite incision de quelques centimètres, le chirurgien va contourner le sac contenant les intestins (le péritoine), ceux-ci vont être progressivement refoulés de l'autre côté de la ligne médiane pour aborder la face antérieure de la colonne. (Abord antérieur médian extrapéritonéal). Après avoir enlevé le disque abimé et restauré la hauteur intervertébrale, le chirurgien insère la prothèse la mieux adaptée.
Pour le disque L5-S1, l'abord se fait habituellement du côté droit et l’incision se situe entre le pubis et l'ombilic.
Pour les disques L4-L5 et plus haut, l'abord se réalise du côté gauche par une incision autour de l'ombilic.
(NB : cette voie d’abord antérieure permet de rester à distance des nerfs qui passent en arrière des corps vertébraux)
Suites opératoires:
Malgré l'importance de l'intervention chirurgicale, la récupération post-opératoire est relativement simple et rapide.
Le patient est levé le lendemain de l'intervention et peut marcher, il lui est conseillé de réaliser immédiatement une mobilisation de la colonne vertébrale, notamment, en flexion antérieure du tronc (éviter l'hyperextension et les rotations).
Le retour à domicile est habituellement possible après une courte hospitalisation de 4 à 5 jours
La période de récupération post-opératoire prend 2 à 3 semaines avec récupération d'une autonomie personnelle dès le retour à domicile.
Un des gros avantages de l'intervention est de permettre une réhabilitation post-opératoire très rapide avec reprise précoce des activités professionnelles et sportives à partir de la 6ème semaine post-opératoire.
Chez les patients lombalgiques de longue date, qui ont souvent une peur du mouvement (kinésiophobie), un traitement de rééducation post-opératoire sera recommandé pour restaurer la confiance vertébrale du patient en y associant un reconditionnement physique progressif.
(pour les détails de l’hospitalisation ; lien vers la brochure … » vous allez être opéré d’une prothèse de disque … »)
Résultats
Les différentes équipes internationales expérimentées publient régulièrement des taux de bons résultats supérieurs à 80 % et certaines études comparatives « prothèse versus arthrodèse » montrent une légère supériorité de la prothèse par rapport à l'arthrodèse.
Dans notre propre expérience, sur les 345 patients revus à plus de 2 ans de recul, nous relevons 81 % de bons et très bons résultats, avec retour à une vie sociale, sportive et professionnelle normale.
Les patients avec un recul de 10 ans et plus montrent la persistance d’une mobilité intra-prothétique très satisfaisante et l’absence de signe d’usure de l’implant ou de réaction inappropriée de l’os adjacent.
Actuellement, il reste cependant une incertitude quant à l’avenir à long terme ( + de 25-30 ans) de ces prothèses discales par manque d’expérience.
Conclusion
Malgré ses 30 ans d’âge, le concept de prothèse de disque reste encore actuellement largement méconnu. Il constitue néanmoins une alternative très intéressante à l’arthrodèse vertébrale, car elle permet la restauration rapide et efficace d’une fonction vertébrale optimale en préservant la mobilité intervertébrale Les différentes séries publiées confirment son efficacité et sa fiabilité. Elle est indiquée chez les patients lombosciatalgiques chroniques relativement jeunes (bonne qualité osseuse) qui résistent aux traitements médicaux conservateurs qui présentent une dégradation mécaniques avérée d’un ou plusieurs disques lombaires ( discopathie dégénérative avec perte de hauteur discale), elle est également indiquée dans les syndromes post-discectomie. Ce concept chirurgical justifie cependant un recrutement sélectif des patients et nécessite un suivi rigoureux et à long terme ( > 15, 20 ans) pour dépister la survenue d’éventuels effets délétères au niveau de l’implant et de l’os adjacent.