15|Janvier 2019

 

La 1.000e opération de prothèse de disque

lombaire au CHC

 

C’est en janvier 2002 que le Dr Yves Lecomte, du service d’orthopédie de la clinique de

l’Espérance, a implanté la première prothèse de disque lombaire en Belgique francophone. Dix-sept ans plus tard, le 11 décembre 2018, il a passé le cap des mille interventions, l’occasion de

jeter un regard rétrospectif sur ce concept chirurgical et ses résultats.

 

 

Principe thérapeutique

 

Le remplacement du disque intervertébral lombaire par une prothèse de disque est indiqué

dans la prise en charge des lombalgies et lombosciatalgies chroniques qui persistent malgré un

traitement médical bien suivi comprenant: mesures diététiques, médications antalgiques et anti-inflammatoires, prise en charge par rééducation et revalidation lombaire (école du dos) et

techniques d’infiltrations diverses : péridurales, facettaires, foraminales ou autres techniques

(thermocoagulation par RF).

 

Bien que la première intervention ait été pratiquée le 19 septembre 1984 à l’hôpital de la

Charité à Berlin, ce concept reste encore relativement méconnu et peu répandu.

 

La technique consiste donc à remplacer un disque intervertébral usé, abîmé, arthrosique (à

l’origine des douleurs lombaires et lombosciatalgiques mécaniques dans 85% des cas) par une

prothèse articulaire (comme pour la hanche ou le genou par exemple).

 

Cette alternative à l’arthrodèse vertébrale (fusion de deux vertèbres entre elles) permet de

retrouver une fonction vertébrale normale en préservant la mobilité de la colonne.

 

Ce concept s’adresse donc à toutes les formes de la maladie discale dégénérative évoluée

(discopathie avec perte de hauteur discale associée ou non à une protrusion discale postéro-médiane ou postéro-latéralisée) ainsi que dans le syndrome post-discectomie (récidive ou

persistance de symptomatologie douloureuse après cure de hernie discale).

 

 

Technique chirurgicale

 

La colonne vertébrale est abordée par voie antérieure par la réalisation d’un mini abord

antérieur médian extrapéritonéal droit ou gauche en fonction du disque à remplacer (4 derniers

niveaux lombaires accessibles).

 

Après avoir refoulé le sac péritonéal et les gros vaisseaux prévertébraux, on réalise une

exérèse subtotale du disque jusqu’au ligament vertébral commun postérieur et, après avoir

redistracté l’espace vertébral, on procède à l’implantation de la prothèse discale non cimentée

avec un matériel ancillaire adapté sous contrôle scopique per-opératoire.

 

La technique par abord antérieur permet d’éviter les nerfs situés à l’arrière et autorise une

récupération postopératoire très rapide: lever du patient le lendemain de l’intervention avec

marche et mobilisation vertébrale immédiate, retour au domicile le 3e jour post-opération avec

récupération d’une autonomie personnelle endéans trois semaines et reprise d’activités

professionnelles possible, y compris pour des activités contraignantes, dès le 2e mois

postopératoire.

 

Les prothèses utilisées sont de type semi-contrainte, comprenant 2 plateaux métalliques et une

interface mobile en polyéthylène (Prodisc-L®, Mobidisc®, Activ-L®). Quelques prothèses visco-élastiques (de type M6) ont également été utilisées.

 

 

Expérience et résultats

 

La qualité et la performance des résultats obtenus par cette technique ont permis un

recrutement progressivement de plus en plus important et étendu.

 

 

Activité annuelle

(2007: interdiction de tout remboursement)

(2009: remboursement INAMI)

 

 

Origine des patients opérés à la Clinique de l'Espérance d'une ou plusieurs prothèses de

disque lombaire entre 2002 et 2018

 

 

Résultats précoces: les résultats des 345 premiers patients avec un recul postopératoire de

deux ans ont été publiés en 2016 dans les « Acta Orthopedica Belgica: A retrospective review

of 345 patients with lombar TDR in two years follow-up over 10 years of practice in one Belgian

clinical center: results, Acta Orthopedica Belgica 2016 82, 440–455 » (article disponible sur le

site http://www.ortholecomte.be). Cet article confirme 81% de bons et très bons résultats,

corroborant l’ensemble des publications internationales sur ce sujet.

 

On retrouve d’ailleurs aussi +/- 80% de bons résultats chez les patients opérés à plusieurs

niveaux (15 patients porteurs de 3 prothèses de disque).

 

Résultats à long terme: il était fondamental de voir l’évolution à long terme de cette technique

pour en apprécier la pérennité.

 

Pour une présentation faite au GIEDA (groupe international d’étude des approches

intervertébrales du rachis) à Bordeaux en décembre 2017, les 125 premiers patients opérés

entre 2002 et 2006 ont été revus et évalués avec un recul entre 10 et 15 ans postopératoires.

 

La mobilité prothétique est conservée (en moyenne 8° en L5-S1 et 11° en L4-L5). On note

toutefois 7% d’ankylose avec une mobilité inférieure ou égale à 3°.

 

 

Mobilité intra-prothétique

L5-S1 (56 cas)

Ankylose (< 4°): 4 cas (7%)

Moyenne: 8°

 

 

Mobilité intra-prothétique

L4-L5 (41 cas)

Ankylose (< 4°): 3 cas (7%)

Moyenne: 11°

 

 

On constate 26% de dégradation vertébrale adjacente dont la moitié est liée à l’évolution d’une

discopathie du niveau adjacent préexistante initialement.

 

Sur le plan clinique, on note, certes, une dégradation de 10% dans les résultats, les bons et

très bons résultats passant de 80 à 70%, liée au vieillissement de la colonne, mais l’indice de

satisfaction du patient par rapport à la chirurgie initiale reste identique.

 

Au niveau des complications postopératoires, on n'a relevé aucune infection prothétique ni

complications vitales et un seul patient a présenté une complication neurologique: paralysie

isolée d'un muscle releveur du pied.

 

Enfin, élément réconfortant et encourageant, chez les patients revus à plus de 15 ans

postopératoires, il n’y a pas de cas d’usure ou de dégradation prothétique identifiable ni de

réaction anormale au niveau des plateaux vertébraux adjacents. Exemple: Mme L. V., patiente

opérée en mars 2002 et revue en décembre 2018 (recul de 16 ans et 9 mois) avec radio de

contrôle ne montrant aucun signe d’usure et une mobilité intra-prothétique préservée de 10°.

 

RX de Mme L. V. (recul postopératoire de 16 ans 9 mois)

 

 

Conclusion

 

La technique de remplacement discal par prothèse de disque lombaire est une intervention qui

apporte 80% de bons et très bons résultats dans la prise en charge des patients lombalgiques

et lombosciatalgiques chroniques.

 

Les résultats à long terme se maintiennent, ce qui en fait une technique fiable et efficace. Elle

répond bien au cahier des charges qui lui était assigné: préservation de la mobilité vertébrale et

des disques adjacents et absence d'effets délétères à long terme (recul de 15 ans et plus).

 

Elle doit être proposée, dans certaines indications, comme alternative à l’arthrodèse vertébrale

dans la prise en charge des lombosciatalgies chroniques et invalidantes.